Le 6 septembre 2023, la désignation des six premiers “contrôleurs d’accès” ou “gate keepers” par la Commission européenne (CE) a marqué un tournant pour l’avenir du monde numérique. Ces 6 grands groupes doivent dorénavant se conformer obligatoirement aux règlements du DMA, entré en application le 2 mai 2023 au sein de l’Union européenne (UE). Vous vous demandez peut-être, mais qu’est ce que le DMA que l’on voit de plus en plus dans les actualités des dernières semaines ?
Aujourd’hui, nous vous expliquons tout ou presque sur ce sujet. Avec cet article nous espérons vous aider à mieux comprendre les enjeux de cette nouvelle régulation au sein de l’Union européenne et ses conséquences non négligeables pour l’avenir du numérique.
Que signifie le DMA ?
Le DMA, ou Digital Market Act, est une législation de l’UE conçue pour rendre les marchés numériques plus équitables et plus compétitifs. Pour cela, le pouvoir des “contrôleurs d’accès” des plus grandes entreprises numériques est sévèrement réglementé. Les contrôleurs d’accès sont un groupe particulier d’entreprises que le DMA définit comme des acteurs majeurs du secteur numérique. Ils fournissent des services essentiels, tels que les moteurs de recherche en ligne, les magasins d’applications, et les services de messagerie.
Les critères d’identification des contrôleurs d’accès
Le DMA établit des critères objectifs pour identifier les contrôleurs d’accès. Pour être désignée en tant que telle, une plateforme doit :
- Atteindre un chiffre d’affaires annuel de plus de 7,5 milliards d’euros au sein de l’UE;
- Présenter une valorisation boursière supérieure à 75 milliards d’euros, et/ou compter plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels actifs.
Cependant, Bruxelles se garde le droit de désigner d’autres services selon d’autres critères tout en restant dans la légalité.
Cette liste comprend notamment :
- Des services d’intermédiation (Google Maps, Google Play, Google Shopping, Amazon Marketplace, App Store et Meta Marketplace),
- Le site de partage de vidéos (YouTube, TikTok)
- Des services publicitaires (Meta Ads, Google Ads, Amazon et Linkedln Ads)
Les contrôleurs d’accès sont soumis à des obligations spécifiques et à des interdictions claires, énumérées dans le DMA, que nous développerons plus tard dans l’article.
Les objectifs du DMA
Son objectif principal est de préserver l’équité et la compétitivité dans le secteur numérique.
En effet, avant l’entrée en vigueur du DMA, certaines grandes plateformes numériques avaient tendance à abuser de leur position dominante. Cela se traduisait par l’imposition de conditions inéquitables aux entreprises plus petites, des pratiques anticoncurrentielles, et un contrôle excessif sur l’accès aux services numériques. A l’exemple des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) qui par leur réseau et leurs écosystèmes ont acquis des positions de quasi-monopole sur le marché européen mettant en déroute la concurrence sur le marché.
Cependant, le DMA ne vient pas pour autant modifier les règles de concurrence de l’UE.
Il ajoute uniquement des réglementations spécifiques pour les contrôleurs d’accès. Les grandes entreprises numériques doivent donc se conformer à ces nouvelles règles tout en respectant les règles de concurrence existantes.
Cette réglementation rentre aussi dans une démarche de soutien à l’innovation. En brisant les pratiques anticoncurrentielles, l’UE espère favoriser l’émergence de start-ups européennes en réduisant les barrières à l’entrée sur le marché numérique.
Les obligations et interdictions
Comme nous l’avons mentionné, une fois désignées comme contrôleurs d’accès, ces entreprises sont soumises à un ensemble d’obligations et d’interdictions spécifiques.
Obligations
- Donner le choix aux utilisateurs de désinstaller et de se désabonner des applications pré-installées
- Permettre l’accès aux App stores concurrents
- Mettre en place l’interopérabilité des services donnant la possibilité aux utilisateurs de communiquer avec des services concurrents (Messenger, Whatsapp)
Interdictions
- Interdiction de traquer ses usagers en dehors de leurs propres services sans leur consentement
- Interdiction de l’autoprime, c’est-à-dire la promotion de leurs propres produits et services au détriment des concurrents (ex : Google et Google Shopping)
Que se passe-t-il en cas d’infraction aux lois ?
Le DMA prévoit des sanctions sévères en cas d’infraction aux règles :
- Amendes allant jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires mondial total;
- En cas d’infraction répétée, risque d’amendes jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires mondial total de l’entreprise.
En plus des amendes, la Commission a le pouvoir d’adopter des mesures correctives supplémentaires en cas d’infraction systématique. Cela peut inclure l’obligation de vendre tout ou partie d’une activité ou l’interdiction d’acquérir des services supplémentaires liés à l’infraction.
À quoi s’attendre dans l’avenir ?
Le DMA confère à la Commission européenne, le pouvoir d’ouvrir des enquêtes de marché pour évaluer la conformité des entreprises aux règles, de déterminer si une entreprise exerce un contrôle d’accès et si elle respecte les obligations du DMA.
Le DMA impose des obligations étendues de reporting aux entreprises, notamment en ce qui concerne les fusions-acquisitions. Les entreprises sont tenues d’informer la Commission sur leurs opérations de fusion-acquisition et de se soumettre à des audits de toutes leurs techniques de profilage des consommateurs.
L’article 12 du règlement permet à la Commission de mettre à jour les obligations des contrôleurs d’accès pour lutter contre les pratiques anti-concurrentielles et déloyales. Des mesures « anticontournement » ou “mesures antidumping” sont également prévues pour renforcer la régulation.
Les articles 37, 38 et 39 du règlement visent à améliorer la coopération entre les institutions anticoncurrentielles des différents États membres. Cela devrait contribuer à la surveillance des pratiques des « services de plateforme essentiels ».
Ce qu’il faut retenir
En conclusion, le Digital Market Act est une réglementation qui redéfinit les règles du jeu dans le monde numérique, visant à favoriser la concurrence, à protéger les utilisateurs et à rendre les marchés numériques plus équitables. Alors que les grandes entreprises du secteur s’adaptent à ces nouvelles règles, le DMA continuera de façonner l’avenir du numérique en Europe. La régulation du secteur numérique est essentielle pour garantir un environnement équitable et compétitif, tout en favorisant l’innovation et la croissance des start-ups européennes.